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L’acquisition de la paix intérieure

L’acquisition de la paix intérieure

Dans un monde agité, saisi par la vitesse et la mobilité, où les évènements heureux comme les malheureux se côtoient, les tapages médiatiques (réseaux sociaux indiscrets, ces millions de vidéos courtes qui égayent la galerie), les bruits et les loisirs que l’homme moderne s’offre cachent bien souvent le vide spirituel qui le ronge. Au-delà de la faim matérielle, il y a au fond de chaque être humain, la faim et la soif de Dieu. Cette faim semble déformée par la poursuite exagérée du matériel et des sensations fortes. Nous remarquons même, lorsque tout ce fatras est acquis, il reste une insatisfaction. Ne dit-on pas que l’être humain est l’éternel insatisfait ? « L’homme ne se satisfait pas moins que Dieu, aussi longtemps il ne demeure pas branché en Dieu qui est son centre, il restera toujours insatisfait » dit Saint Jean de la Croix[1]. Oui Dieu apaise toute soif!

Notre époque a du mal avec l’intériorité

L’homme porte la trace indélébile de « l’image » divine dont il est pétri, un désir secret, une sorte de « nostalgie » de Dieu enfouie, comme une réminiscence inaltérable de ce pourquoi, et pour qui, nous sommes faits. Ne négligeons pas cet appel intérieur à nous nourrir « de ce qui vient de la bouche de Dieu » (Mt 4 :4).

Avec ces commodités du 21e siècle (télévision, téléphone, internet), on risque de se mêler de tout et de rien, et finalement perdre la paix intérieure. Notre époque a du mal avec l’intériorité. Il faut savoir comment gérer tous ces objets issus des « techno sciences ». Savoir aussi que le loisir et le bien-être matériel ne sont pas des fins humaines en soi. Loin de les condamner! Mais nous pouvons nous demander s’ils sont en fonction de leurs conséquences[2]. Beaucoup en font l’expérience, en effet, sans maîtrise ou utilisation raisonnable de ces moyens de communication, la dispersion intérieure peut s’installer. Dans ces conditions, il est évident que l’on entendra à peine ou pas du tout la voix du maître intérieur (Dieu) qui veut élever l’âme. Un recours constant à la prière est donc nécessaire pour activer en nous l’intériorité et la paix de l’âme.

Saint Grégoire dit de Saint Benoît (480-547), son maître spirituel, que ce dernier « seul sous le regard de Celui qui voit d’en-haut, il habita avec lui-même »[3]. Habiter avec soi-même nous mène à la connaissance de soi et à la paix intérieure. Un adage wolof (une des principales langues du Sénégal) dit : « ku weet xam sa bopp » ou encore « Ku xam sa bopp do weet » ce qui veut dire « Celui qui éprouve la solitude fait l’apprentissage de la connaissance de soi » ou encore « Si tu te connais, tu ne sentiras pas la solitude ». En étant à l’écoute du maître intérieur, Saint Benoît, fut un messager de paix, un maître de culture, un Hérault de la foi chrétienne.

C’est du dedans que l’on découvre la vérité de soi-même

Aujourd’hui, pour l’acquisition de la paix intérieure, on voit fleurir toutes sortes de pratiques de développement personnel, de connaissance de soi, d’exploitation d’états de conscience inhabituels telles que le Yoga, ou le Zen (se concentrer, apprendre à ne pas se laisser envahir par les bruits du monde et les agitations de l’imagination). Tout cela en dehors de toute référence à Dieu et donc sans une prière de foi. Ces pratiques sont encore loin de la prière chrétienne. La paix intérieure, la vraie paix, ne s’acquiert pas vraiment par des techniques ; ces dernières peuvent dépanner, mais elles ne suffisent pas. Pour peu que des sentiments mélancoliques envahissent l’âme, elle éprouve un mal être, se met en émoi, et s’enferme sur elle-même. Ce mal-être semble l’emprisonner dans la sphère des émotions négatives. La prière devient alors une arme de douceur qui conduit sur le chemin de la paix intérieure. Je dis bien sûr le chemin, parce que sur un chemin sans impasse, on marche, et donc tant que je vis, je suis en chemin. L’être humain est un homo viator, mais dans cette marche, on fait l’expérience du mal en nous et autour de nous.Le moine allemand Anselme GRÜN suggère que : « Quand tous les chemins sont barrés au-dehors, il ne nous reste plus d’autre possibilité, pour rendre à notre vie une tournure positive, que de cheminer à l’intérieur »[4]. C’est du dedans que l’on découvre la vérité de soi-même. Selon Xavier Thévenot, parcourir ce chemin avec toutes les difficultés que cela implique n’a de sens que si cela est accompagné d’une quête inlassable de vérité[5].

Beaucoup de chrétiens craignent d’entrer en eux-mêmes, pour ne pas croiser ce qui n’est pas vrai et bien en eux, autrement dit, ils ont peur de leurs zones d’ombres. « Ils sont alors comme condamnés dans la peur d’eux-mêmes, s’interdisant ainsi l’accès à ce centre d’où part l’aspiration à la spiritualité. Ce foyer qui est le lieu en nous du silence et de la paix, un lieu que la rumeur du monde n’atteint pas »[6]. Lorsque l’homme plonge son regard dans ses profondeurs, là où jaillit sa liberté la plus personnelle, à la racine de ses sentiments et de ses décisions, au centre le plus intime de son moi, il détecte une sorte de blessure secrète, une infirmité douloureuse qui le contraint à s’avouer ses limites et ses faiblesses. Cette blessure intérieure de part et d’autre pourrait être une simple faiblesse psychologique, mais aussi au niveau de la foi cela pourrait être identifié au péché. Ce virus du péché, appelons-le comme tel, s’attache si bien à notre conscience comme une tare de naissance collée à notre peau, qui fait que nous n’habitons pas souvent avec nous même, alors des luttes émotionnelles ou obsessionnelles font souvent rage chez la personne.

Ce n’est pas tant réduire la spiritualité à des principes moralisateurs que d’ouvrir son cœur afin que la présence de celui qui est Le Chemin, La Vérité et La Vie s’y développe, pour que nous marchions avec clarté dans Le Chemin, vrai dans La Vérité et vivant dans La Vie. Ainsi nous sommes susceptibles d’être porteurs du Christ-Jésus.

Recourir à l’intériorité et à la prière n’est pas tant un repli craintif et égoïste qu’un ressourcement. Au lieu de se plaindre parce que ça ne va pas autour de toi, mets-toi en état d’imperfection, sache que tu n’es pas si parfait pour te plaindre, reconnais tes faiblesses et tes limites. Devant Dieu, accepte que tu es vulnérable, offre à Dieu cette part vulnérable, car si l’on n’accepte pas au départ sa vulnérabilité, l’on ne peut guérir de ses émotions négatives, voire même de ses blessures. L’apôtre Paul nous instruit à cette dialectique: « Quand je suis faible, c’est alors que je suis fort »[7]. Force et fragilité sont deux aspects de notre vie. Il faut consentir à ses faiblesses, à ces émotions négatives qui nous paralysent parfois, et prendre le risque de suivre le Christ Chemin, Vérité et Vie dans les imperfections de nos vies, pour devenir fort. Enfin, on peut estimer que c’est par toute une vie qu’il nous faut acquérir la paix intérieure. Une paix durable, c’est au quotidien qu’il nous faut y atteler, parfois au prix des privations, des sacrifices, des moments difficiles, de l’épreuve de la solitude intérieure comme extérieure, pour enfin gouter à l’ivresse de l’amour de Dieu qui sous-tend la paix intérieure. Libre à Dieu par sa grâce, de te donner en un seul jour, l’effort de nombreuses années d’acquisition de paix intérieure. Tout est grâce !

Le Seigneur est merveilleux. Il opère dans ton cœur si tu entres en toi et le laisser agir. Laisse-toi inonder, Il t’a dit : « si tu m’ouvres ton cœur, je ferai chez toi ma demeure ». Il ne faudrait pas mourir sans avoir connu l’ivresse de l’amour de Dieu. Fr Thomas.

Pour terminer, je vous cite la pensée du père André LOUF, un moine belge, auteur spirituel contemporain, mort en 2010.

« Notre cœur, notre vrai cœur sommeille et il faut l’éveiller, progressivement, tout au long de la vie. Dès lors, prier n’est vraiment pas difficile. La prière nous est donnée depuis longtemps. Mais on est rarement conscient de sa propre prière. Toute technique de prière n’a d’autre fin que de nous rendre conscients de ce que nous avons déjà reçu, que d’apprendre à sentir, à discerner, dans la pleine et tranquille certitude de l’Esprit, la prière qui dans nos profondeurs a pris racine et ne cesse de travailler. Elle doit monter à la surface de notre conscience, imprégner et investir progressivement toutes nos facultés, l’esprit, l’âme et le corps. »[8] .


[1]     Saint Jean de la Croix, montée du Carmel.

[2]     Lhamo Dhondup 14ème Dalaï Lama La quête du bonheur.

[3]     St Grégoire (593-594) Vie de Saint Benoît.

[4]     Anselm. Grün, chacun cherche son ange : Les guides protecteurs sur notre chemin.

[5]     X. Thevenot Avance en eau profonde, Paris, Cerf/Desclée de Brouwer p. 109.

[6]     A. Grün, le ciel commence en toi, la sagesse des pères du désert pour aujourd’hui.

[7]     2Cor 12 :10.

[8]       André Louf, in « Seigneur apprend-nous prier » 

5 Comments

  • Gisi
    Posted 29 avril 2022 at 13h17

    Merci Fr Thomas
    Très édifiant!

  • Carlos Mendy
    Posted 30 avril 2022 at 2h22

    Un grand merci à vous frère Thomas pour ce partage très riche et nourrissant. Que les bénédictions de Dieu descendent sur vous et dans votre ministère

  • René Huchard
    Posted 30 avril 2022 at 10h03

    Merci Frère Thomas de partager cet article. Un édifice à ajouter à la librairie de ceux qui sont à la recherche de paix intérieure.

  • Ephygénie Thiao
    Posted 30 avril 2022 at 10h22

    Merci Fr Thomas pour ce bel enseignement

  • Anne-Marie Françoise Ndoye TEKO AGBO
    Posted 5 mai 2022 at 12h51

    Merci papa Thomas.
    Je retiens par là que paix intérieure est connaissance de soi, est écoute du plan de Dieu lui qui est chemin, vérité et vie.
    Loué soit le Seigneur !

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